Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/207

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regarde, l’illusion, précisément à cause de l’effort secret qu’elle nécessite, apparaît d’autant plus chatoyante et attirante ! ― Regardez-les, en examinant, à froid, ce qui produit cette illusion, elle se dissipera pour faire place à cet invincible dégoût dont aucune excitation ne tirerait un désir.

Miss Evelyn Habal était donc devenue pour moi le sujet d’une expérience… curieuse. Je me résolus à la retrouver, non pour faire la preuve de ma théorie (elle est faite de toute éternité), mais parce qu’il me paraissait intéressant de la constater dans des conditions aussi belles, aussi complètes qu’elles devaient être.

― Miss Evelyn Habal ! ― me disais-je : qu’est-ce que cela pouvait bien être ?

Je m’enquis de ses traces.

La délicieuse enfant était à Philadelphie, où la ruine et la mort d’Anderson lui avaient fait une réclame des plus resplendissantes. Elle était fort courue. Je partis et fis sa connaissance en peu d’heures. Elle était bien souffrante… Une affection la minait ; ― au physique bien entendu. De sorte qu’elle ne survécut, même, que peu de temps à son cher Edward.

Oui, la Mort nous la déroba, voici déjà plusieurs années.

Toutefois, j’eus le loisir, avant son décès, de vérifier en elle mes pressentiments et théories. Au surplus, tenez, sa mort importe peu : je vais la faire venir, comme si de rien n’était.

L’affriolante ballerine va vous danser un pas en s’accompagnant de son chant, de son tambour de basque et de ses castagnettes.