Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/222

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l’Andréïde silencieuse, dont les deux mains appuyées contre son voile semblaient vouloir cacher encore plus l’invisible visage.

― Maintenant, ajouta-t-il, voulez-vous toujours savoir comment le phénomène de cette vision future peut s’accomplir ? Êtes-vous certain que votre illusion volontaire sera d’une foi suffisante pour résister à cette explication ?

― Oui, dit lord Ewald, après un silence.

Puis, regardant Hadaly :

― On dirait qu’elle souffre ! ― ajouta-t-il, comme se prêtant, par une curiosité grave, à la fantasmagorie métaphysique et cependant vêtue de réalité, qu’il contemplait.

― Non, dit Edison : elle a pris l’attitude de l’enfant qui va naître ; elle se cache le front devant la vie.

Un silence passa.

― Venez, Hadaly ? cria-t-il soudain.

L’Andréïde, à cette parole, marcha, voilée et ténébreuse, vers la table de porphyre.

Le jeune homme regarda l’électricien : celui-ci, déjà penché sur la trousse étincelante, choisissait parmi les grands scalpels de cristal.

Arrivée devant le bord de la table, Hadaly se retourna et, toute gracieuse, se croisant les mains derrière la tête :

― Milord dit-elle, soyez indulgent pour mon humble irréalité et, avant d’en dédaigner le rêve, rappelez-vous la compagne humaine qui vous oblige à recourir, fût-ce à un fantôme, pour vous racheter l’Amour.

À ces paroles, une sorte d’éclair sillonna l’ar-