Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/236

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lusion, c’est la lumière ! Regardez le ciel au-dessus des couches atmosphériques de la terre, à quatre ou cinq lieues, seulement, d’élévation : vous voyez un abîme couleur d’encre, parsemé de tisons rouges de nul éclat. Ce sont donc les nuages, symboles de l’Illusion, qui nous font la Lumière ! Sans eux, les Ténèbres. Notre ciel joue donc lui-même la comédie de la Lumière ― et nous devons nous régler sur son exemple sacré.

Quant aux amants, dès qu’ils croient seulement se connaître, ils ne demeurent plus attachés l’un à l’autre que par l’habitude. Ils tiennent à la somme de leurs êtres et de leurs imaginations dont ils se sont réciproquement imbus ; ils tiennent au fantôme qu’ils ont conçu, l’un d’après l’autre, en eux-mêmes, ces étrangers éternels ! mais ils ne tiennent plus l’un à l’autre tels qu’ils se sont reconnus être. ― Comédie inévitable ! vous dis-je. Et quant à celle que vous aimez, puisque ce n’est qu’une comédienne, puisqu’elle n’est digne d’admiration pour vous que lorsqu’elle « joue la comédie » et qu’elle ne vous charme, absolument, que dans ces instants-là, ― que pouvez-vous demander de mieux que son andréïde, laquelle ne sera que ces instants figés par un grand sortilège ?

― C’est fort spécieux, dit tristement le jeune homme. Mais… entendre toujours les mêmes paroles ! les voir toujours accompagnées de la même expression, fût-elle admirable ! ― Je crois que cette comédie me semblera bien vite… monotone.

― J’affirme, répondit Edison, qu’entre deux êtres qui s’aiment toute nouveauté d’aspect ne peut qu’entraîner la diminution du prestige, altérer la