Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/264

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si je vous la donnais à l’instant, que vous ne l’êtes de leur apparent mystère. ― Mais, je vous l’ai dit : dans l’intérêt de l’Illusion nécessaire, il me semble utile de différer encore la révélation de ce secret. Et tenez ! ― Remarquez-vous une chose bien plus extraordinaire, mon cher lord : c’est que vous ne m’ayez pas questionné sur la nature du visage actuel de l’Andréïde ?

Lord Ewald tressaillit.

― Puisqu’il est voilé, dit-il, j’ai pensé qu’il serait peu discret de m’en enquérir.

Edison regarda lord Ewald avec un sourire grave.

― J’imaginais, répondit-il, que vous ne teniez pas à vous créer un souvenir capable de troubler la vision que je vous ai promise : le visage qui vous apparaîtrait ce soir demeurerait fixé en votre mémoire et transparaîtrait toujours pour vous sous le visage futur qui, seul, est votre espérance. Et ce souvenir gênerait votre illusion en éveillant sans cesse une arrière-pensée de dualité. C’est pourquoi, même si ce voile cachait le visage d’une Béatrix idéale, vous ne tenez pas à le voir ― et vous avez raison. C’est aussi pour un motif analogue que je ne puis vous révéler, aujourd’hui, le secret dont vous parlez.

― Soit, répondit lord Ewald.

Puis, comme voulant dissiper l’idée suscitée par l’électricien :

― Vous allez donc revêtir Hadaly, reprit-il, d’une carnation identique à celle de mon amour ?

― Oui, répondit Edison ; vous remarquez, n’est-ce pas, mon cher lord, qu’il ne s’agit pas encore