Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/282

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ristes est parvenu aujourd’hui à dépasser la Nature.

La solennité de ces yeux donne, positivement, la sensation de l’âme.

L’action de la photographie colorante leur ajoute une nuance personnelle ; mais c’est sur l’iris qu’il s’agit de transporter l’individualité même du regard. ― Une question : ― avez-vous vu beaucoup de beaux yeux de par le monde, milord ?

― Oui, dit lord Ewald ; en Abyssinie, surtout.

― Vous distinguez l’éclat des yeux de la beauté du regard, n’est-ce pas ? reprit Edison.

― Certes ! dit lord Ewald. Celle que vous verrez tout à l’heure a des yeux de la plus éclatante beauté, lorsqu’elle regarde, inattentive, au loin, devant elle : ― mais, lorsque son regard porte sur quelque chose qu’elle remarque, le regard, hélas, suffit pour faire oublier les yeux.

― Voilà qui simplifie toute difficulté ! s’écria Edison. Généralement l’expression du regard humain s’augmente de mille incidences extérieures, ― de l’imperceptible jeu des paupières, de l’immobilité des sourcils, de la longueur des cils, ― surtout, de ce que l’on dit, de la circonstance où l’on se trouve, de l’entourage, même, qui s’y réfléchit. ― Tout cela renforce l’expression naturelle de l’œil. ― De nos jours, les femmes bien élevées ont acquis un regard unique, mondain, convenu, et, vraiment, charmant (c’est le mot), où chacun trouve l’expression qu’il désire et qui leur permet de penser à leurs soucis intimes, sous un air d’attention profonde.