Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/296

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― Hélas, toujours ! répondit lord Ewald en s’inclinant, correct, pendant que la jeune femme défaisait son chapeau et son burnous.

Edison avait tiré violemment un anneau d’acier caché dans les tentures ; un lourd et magnifique guéridon aux candélabres allumés et supportant un lunch servi avec une splendide recherche, sortit du parquet.

C’était une véritable apparition de théâtre, un souper de féeries.

Trois couverts brillaient, et des porcelaines de Saxe, où du gibier et des fruits rares étaient disposés. Une petite cave en treillis, contenant une demi-douzaine de vieilles bouteilles poudreuses et de flacons à liqueurs, se trouvait placée à portée de l’un des trois sièges qui entouraient le guéridon.

― Cher monsieur Thomas, dit lord Ewald, voici miss Alicia Clary, ― dont je vous ai décrit les talents hors de pair de cantatrice et de comédienne.

Edison, après un léger salut :

― Ah ! j’espère bien, dit-il du ton le plus dégagé, hâter vos débuts glorieux sur l’une de nos principales scènes, miss Alicia Clary ! ― Mais nous allons en causer à table, n’est-ce pas, car le voyage ouvre l’appétit et l’air de Menlo Park est très vif.

― C’est vrai ! j’ai faim ! dit la jeune femme, si carrément qu’Edison lui-même, dupe du magique sourire qu’elle avait oublié sur son visage, tressaillit, regardant lord Ewald avec étonnement. Il avait pris cette charmante et naturelle parole pour un mouvement juvénile d’entrain joyeux. Que signifiait ceci ? Si cette sublime incarnation de beauté