Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/310

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― N’est-ce donc pas pour moi, cette belle fausse fleur ? murmura miss Alicia Clary, souriante.

― Non, miss : vous êtes trop vraie pour elle, répondit simplement le jeune homme.

Soudain, il ferma les yeux malgré lui.

Là-bas, sur les degrés de son seuil magique, Hadaly venait d’apparaître ; elle soulevait de son bras resplendissant la draperie de velours grenat.

Immobile en son armure et sous son voile noir, elle se tenait comme une vision.

Miss Alicia Clary, lui tournant le dos, ne pouvait voir l’Andréïde.

Hadaly avait sans doute assisté aux dernières circonstances de la conversation ; elle envoya, de la main, un baiser à lord Ewald, qui se leva brusquement.

― Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ? dit la jeune femme. Vous me faites peur !

Il ne répondit pas.

Elle se retourna : ― la tenture était retombée ; l’apparition avait disparu.

Mais, profitant de ce moment distrait de miss Alicia Clary, le grand électricien venait d’étendre la main vers le front de la belle détournée.

Les paupières de celle-ci se refermèrent doucement, graduellement, sur ses yeux d’aurore : ses bras, pétris en pierre de Paros, demeurèrent immobiles, ― l’un appuyé à la table, l’autre main tenant le bouquet de roses pâles, pendante sur un coussin.

Statue de l’olympienne Vénus, attifée au goût moderne, elle semblait figée en cette attitude :