Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

femme. Elle mordait une brindille de fleur, cueillie au hasard, et tout son être resplendissait d’une beauté souveraine. Sa robe soyeuse courbait les fleurs du gazon : elle inclinait son éblouissant visage sur l’épaule de lord Ewald et le charme de ses beaux cheveux, un peu défaits sous leur mantille de dentelle noire, était d’une enivrante mélancolie.

Arrivés auprès du banc de mousse, elle s’assit la première. Lord Ewald, habitué à l’entendre continuellement ressasser des niaiseries intéressées ou banales, en attendait, avec patience, quelques nouveaux spécimens.

Une idée lui vint, cependant ! Si la puissante parole de ce magicien d’Edison avait trouvé le secret de dissoudre, un peu, le voile de poix qui obscurcissait le maussade esprit de cette si belle créature pensait-il ; elle se taisait, n’était-ce pas déjà beaucoup ?

Il s’assit auprès d’elle.

― Ami, dit-elle tout à coup, tenez, vous êtes triste depuis quelques jours, je trouve ! N’avez-vous rien à m’apprendre vous-même ? Je suis une meilleure amie que vous ne le pensez.

Lord Ewald en ce moment était à mille lieues de miss Alicia Clary : il songeait aux fleurs inquiétantes de ce séjour où Hadaly l’attendait sans doute. Aussi, en écoutant cette question de la jeune femme, tressaillit-il, avec un imperceptible mouvement de contrariété, à l’idée qu’Edison avait trop parlé peut-être !

Mais, ― dès la première réflexion, ― cette éventualité lui parut tout à fait inadmissible. Non : dès