Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/336

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mière fois, s’abandonner, plus grave, à l’enlacement charmant de lord Ewald.

Avait-elle compris le doux et brûlant murmure de ces propos passionnés ? Une larme tout à coup roula du bout de ses cils sur ses joues pâles.

― Ainsi, tu souffres, dit-elle tout bas, et c’est par moi !

À cette émotion, à cette parole, le jeune homme, en son saisissement, se sentit comme transporté d’un ineffable étonnement. Un intense ravissement l’inspira ! Certes, il ne songeait plus à l’autre ! à la terrible : ― cette seule parole humaine avait suffi pour toucher toute son âme, pour y réveiller on ne sait quelle espérance.

― Ô mon amour ! murmura-t-il, presque éperdu.

Et ses lèvres touchèrent les lèvres, réparatrices enfin, qui l’avaient consolé. Il oubliait les longues heures desséchantes qu’il avait subies : son amour ressuscitait. Le délicieux infini des joies pures entrait dans son cœur, et son extase était aussi subite qu’inespérée ! Cette seule parole avait dissipé comme un coup de vent du ciel, ses pensées soucieuses et irritées ! Il renaissait ! Hadaly et ses vains mirages étaient loin maintenant de ses souvenirs.

Ils demeurèrent silencieux et enlacés pendant quelques secondes : le sein de la jeune femme se soulevait et le troublait de ses effluves enivrants : il la pressa dans ses bras.

Au-dessus des deux amants, le ciel était redevenu clair et se chargeait d’étoiles à travers les feuillages de l’allée : l’ombre s’approfondissait et devenait sublime. Oui, l’âme éperdue d’oubli, le