Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/384

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― Je vous prive d’un chef-d’œuvre surhumain ! dit lord Ewald, après un moment.

― Non, puisque j’ai la formule : dit l’électricien. Mais… je ne fabriquerai plus d’andréides. Mes souterrains me serviront à me cacher pour y mûrir d’autres découvertes.

Et maintenant, milord comte Celian Ewald, un verre de Jerez, ― et adieu. Vous avez choisi le monde des rêves ; emportez-en l’incitatrice. Moi, le destin m’enchaîne aux pâles « réalités ». La caisse de voyage et le chariot sont prêts ; mes mécaniciens, bien armés, vous feront escorte jusqu’à New York, où le capitaine du transatlantique le Wonderful est prévenu. Nous nous verrons peut-être au château d’Athelwold. Écrivez-moi. Vos mains ! ― Adieu.

Il y eut donc, entre Edison et lord Ewald, encore un dernier serrement de main.

Une minute après, lord Ewald était à cheval à côté du chariot, entouré des torches de son escouade redoutable.

L’on se mit en marche ― et bientôt les étranges cavaliers disparurent, au loin, sur la route, vers la petite gare de Menlo Park.

Demeuré seul, au centre du rayonnement de son pandémonium, Edison se dirigea, lentement, vers des tentures noires dont les longs plis retombaient devant quelque chose d’invisible. Arrivé auprès d’elles, il les fit glisser sur leurs anneaux.

Étendue, toute vêtue de deuil, ― et, sans doute, endormie sur un vaste canapé de velours rouge posé sur des disques de verre, une svelte femme,