Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore que je ne vous attendais que dans trois quarts d’heure.

― Aussi ai-je fait surchauffer un train spécial à la dernière atmosphère du manomètre, dit la même voix, afin d’être de retour à New York ce soir.

Trois lampes oxhydriques, entourées de globes teintés de bleu, flamboyèrent brusquement, au plafond, autour d’une sorte de foyer d’électricité rayonnante, illuminant le laboratoire d’un effet de soleil nocturne.

Le personnage qui se tenait debout en face d’Edison était un jeune homme de vingt-sept à vingt-huit ans, de haute taille et d’une rare beauté virile.

Il était vêtu avec une si profonde élégance qu’il eût été impossible de dire en quoi elle consistait. Les lignes de sa personne laissaient deviner des muscles d’une exceptionnelle solidité, tels que les exercices et les régates de Cambridge ou d’Oxford savent les rendre. Son visage un peu froid, mais d’un tour gracieux et sympathique, s’éclairait d’un sourire empreint de cette sorte de tristesse élevée qui décèle l’aristocratie d’un caractère. Ses traits, bien que d’une régularité grecque, attestaient par la qualité de leur finesse, une énergie de décision souveraine. De très fins et massés cheveux, une moustache et de légers favoris, d’un blond d’or fluide, ombraient la matité de neige de son teint juvénile. Ses grands yeux noblement calmes, d’un bleu pâle, sous de presque droits sourcils, se fixaient sur son interlocuteur. ― À sa main, sévèrement gantée de noir, il tenait un cigare éteint.

Il sortait de son aspect cette impression que la