Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cependant, que j’étais à mille lieues de m’attendre à ce que ― à peine assis chez vous ― je vous choisirais pour confident. On voit que tout se passe à l’exemple de l’éclair, chez les électriciens. Enfin, puisque vous le désirez, voici : ― j’ai le malheur de subir un amour très pénible, le premier de ma vie (et, dans ma famille, le premier est presque toujours le dernier, c’est-à-dire le seul) pour une très-belle personne ― tenez ! pour la plus belle personne du monde, je crois ! ― et qui est, actuellement à New York, au théâtre, dans notre loge, où elle fait miroiter les pierres de ses oreilles en paraissant écouter le Freyschütz. ― Là !… Vous voilà satisfait, j’imagine, monsieur le curieux ?

À ces mots Edison considéra lord Ewald avec une attention singulière. Il ne répondit pas tout de suite ; mais, s’assombrissant à vue d’œil, en deux secondes, il parut s’absorber dans une pensée secrète.

― Oui, c’est désastreux, en effet, ce que vous m’apprenez là ! murmura-t-il froidement.

Et il regarda devant lui d’un air distrait.

― Oh ! Vous ne pouvez, même, comprendre jusqu’à quel point ! murmura lord Ewald.

― Mon cher lord, il faut donc que vous m’en disiez un peu plus ! reprit Edison après un instant.

― Ah ! par exemple ! ― À quoi bon ?

― J’ai, maintenant, un motif de plus pour vous le demander !

― Un motif ?

― Oui ; je crois ― que j’ai, peut-être, un moyen de vous guérir ― ou, tout au moins, de…

― Hélas ! Impossible !… dit lord Ewald avec