Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rattache ? ― Pourquoi vous eussé-je questionné sans motif ? ― Mon cher lord, vous êtes un de ces malades que l’on ne peut traiter que par le poison : je me résous donc, toutes remontrances épuisées, à vous médicamenter, s’il vous plaît, d’une façon terrible, votre cas étant exceptionnel. Le remède consiste à réaliser vos vœux ! ― (Du diable, si je m’attendais, par exemple, à risquer cette première expérience sur vous !…) murmura, comme à part lui, l’électricien. Il faut constater que les êtres et les idées s’attirent ― et c’est à croire que je vous attendais moi-même, inconsciemment, ce soir ! Allons, je le vois ! je dois tenter de vous sauver l’être. Et, comme il est des blessures que l’on ne peut guérir qu’en empirant leur profondeur, je veux accomplir votre rêve tout entier ! ― Milord Ewald, ne vous êtes-vous pas écrié, tout à l’heure, en parlant d’Elle : « Qui m’ôtera cette âme de ce corps ? »

― Oui ! murmura lord Ewald, un peu interdit.

― Eh bien ! c’est moi.

― Hein ?

― Mais vous, milord, interrompit Edison sur un ton d’une solennité brusque et grave, ― n’oubliez pas qu’en accomplissant votre ténébreux souhait, je ne cède… qu’à la Nécessité.