Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais leur sentiment était plus haut que ce qui leur causait cette tristesse. — Oh ! cependant, ne pas s’être épousés ! Quel éternel soupir ! Quel morne serrement de cœur !

L’épreuve était lourde. — Sans doute ils expiaient quelque ancestral crime ! Il fallait subir, sans faiblesse, la douleur que Dieu leur accordait, douleur si rude qu’ils pouvaient se croire des élus.

Rousseau-Latouche, en homme de tact, s’aperçut très vite de ce nébuleux sentiment dont leurs organismes moins équilibrés que le sien, les rendaient victimes. Comment l’eussent-ils dissimulé ? C’était lisible en leur innocence même — en la réserve qu’ils se témoignaient.

Évariste, — nous l’avons donné à entendre, — était un de ces hommes qui s’expliquent les choses sans jamais s’emporter, son calme énergique lui conférant le don d’étiqueter toujours, d’une manière sérielle, un fait quelconque, sans l’isoler de son am-