Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/254

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son symbolique linceul, a comparu, sacré seulement par l’agonie douloureuse et par la Mort, dans la lumière divine. Son noble suaire, il le préféra, pour garder pure sa parole, au souverain manteau de ses devanciers. Il dort, béni de ses serviteurs, en cette commune foi que n’ont troublé ni les épreuves, ni les années, ni la tombe, ni l’exil. C’est bien Dormez, sire. Gloire à Dieu !

le chevalier, entrant. — Bonsoir, Monsieur le duc. — Encore cette mélancolie ?

le duc. — Elle me surprend moi-même, car voici déjà très longtemps que le roi est mort.

le chevalier. — Ah ! tout ce que vous voudrez, mais nous sommes jeunes !… Entre nous, vivent les habits de deuil qui font ressortir la joie d’un beau souper tout en lumière, sous les candélabres vermeils !… soupers d’un régent enfin légitime. J’aimais le roi : j’ai pleuré sa noble mort. Mais… il est mort. Voyez comme les Champs-Élysées sont beaux, ce soir. À quand le luxe d’une