Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/36

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haut laissait entrevoir entre des anneaux scellés aux murs, un chevalet noirci de sang, un réchaud, une cruche. Sur une litière de fumier, et maintenu par des entraves, le carcan de fer au cou, se trouvait assis, hagard, un homme en haillons, d’un âge désormais indistinct.

Ce prisonnier n’était autre que rabbi Aser Abarbanel, juif aragonais, qui, prévenu d’usure et d’impitoyable dédain des Pauvres, — avait, depuis plus d’une année, été, quotidiennement, soumis à la torture. Toutefois, son « aveuglement étant aussi dur que son cuir », il s’était refusé à l’abjuration.

Fier d’une filiation plusieurs fois millénaire, orgueilleux de ses antiques ancêtres, — car tous les Juifs dignes de ce nom sont jaloux de leur sang, — il descendait, talmudiquement, d’Othoniel, et, par conséquent, d’Ipsiboë, femme de ce dernier Juge d’Israël : circonstance qui avait aussi soutenu son courage au plus fort des incessants supplices.