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siècles : qu’importeraient ces allégations sentimentales ! On me dédommagerait, n’est-ce pas, une fois abattus et déracinés, de ces milliers de vieux arbres qui sont pour moi d’anciens amis ? — Non. Le silence de la grande Forêt — marche dont je suis le margrave — n’est pas à vendre : il m’est plus cher que toutes paroles : c’est un bien sacré, dont je n’entends pas qu’on m’exproprie et dont l’or de vos banques ne m’indemniserait pas. Et quand même le prétendu surcroît de « bien-être » d’un million d’indifférents devrait s’ensuivre, je dis que, dans une même balance, le poids des cailloux l’emporterait vainement sur celui d’une pierre précieuse, — et que ce bien-être n’équilibrerait pas, en équité réelle, le dol que je subirais.

Le Commandeur

À qui ferez-vous croire que de telles richesses ne valent pas d’être recherchées, fût-ce au prix de tous les silences ?

Axël, dédaigneux

À moi seul : ce qui suffit. Je crois même avoir prouvé, depuis longtemps, que cette tâche ne m’était pas difficile. — Par exemple, il est fort concevable que vous préfériez l’Or (dût-il n’être que fictif) à tous les silences, — puisque le Silence ne repré-