Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/200

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approvisionnées pour une longue résistance. De là, même, cette relative pauvreté dont je suis fier.

C’est pourquoi nul acte d’autorité, révélant ma réelle puissance, ne me déclarerait ouvertement en révolte, aux approches hostiles. — Rien. Les interminables étendues d’arbres, de fondrières, de précipices et de fossés, garderaient leur aspect d’abord champêtre, puis sauvage, — et les premières lignes d’infanterie, en y pénétrant, n’y entendraient, de village en village, que la roue des cordiers, la cognée des bûcherons, le paisible marteau des sabotiers, le murmure des sources, la chanson des berceuses. Rien ne décèlerait une résistance, un danger. À peine, selon les chemins choisis, prendrais-je quelques mesures nouvelles, moi, dans ce manoir, sur un rayon de cinq à six lieues de mes tranchées. — En effet, pourquoi mettre sur pied ceux que je pourrais appeler mon peuple, avant l’instant précis où, forcément attaqués eux-mêmes, la Forêt deviendrait un peu plus sombre ? Au premier bourg molesté par les troupes survenues, tous se replieraient, d’eux-mêmes, ici ! Pour la défense en Forêt, nous avons une formation tout à fait ignorée de vos soldats, et qui leur serait accablante, — foudroyante, même, je crois en être bien assuré ! — De sorte que, soudain, par quelque nuit noire, pendant le sommeil alourdi de vos