Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/270

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plus pénétrant que la fumée des cassolettes qui brûlaient dans les sérails de Cordoue, plus chargé d’oubli que les senteurs des lames de cèdre clouées, par les magiciens, aux arbres des jardins de Bagdad pour humilier les fleurs divines. Reconnais, dans mes yeux, l’âme des belles nuits, lorsque tu marchais dans les vallées et que tu regardais les cieux : je suis cet exil, aux inconnues étoiles, que tu cherchais ! — Je donnerais tous les trésors pour être le tien éternel. Oh ! quitter la vie sans avoir baigné de larmes tes yeux, ces fiers astres bleus, tes yeux d’espérance ! oh ! sans t’avoir fait frémir sous les profondes musiques de ma voix d’amour ! — Oh ! songe, — ce serait affreux : ce serait impossible. Renoncer à ceci passe mon courage. Abandonne-toi, dis, Axël, — Axël !… Et je te forcerai de balbutier sur mes lèvres les aveux qui font le plus souffrir, — et tous les rêves de tes désirs passeront dans mes yeux pour multiplier ton baiser…

Un silence.

Axël, sourdement, les yeux fermés

Ton nom, s’il doit brûler les lèvres, que je le redise !…

Sara, tout bas, la tête inclinée sur l’épaule d’Axël

Sara.