Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/286

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nous plairait, peut-être, de revenir, en fumant l’opium dans les tuyaux d’or et de jade, au bercement des palanquins. — Aimes-tu mieux que je me baigne dans les vagues où se mira la grande Carthage, près d’une maison de basalte où brûlent, sur des trépieds d’argent, des parfums ? — Ou si nous visitions les rouges Espagnes ! Oh ! ce doit être triste et merveilleux, les palais de Grenade, le Généralife, les lauriers-roses de Cadix l’Andalouse, les bois de Pampelune, où les citronniers sont si nombreux que les étoiles, à travers les feuillages, en semblent les fleurs d’or ! Et les vestiges des temples sarrasins, l’Art disparu, les villes moroses ! — Et, plus loin, les îles Fortunées, où l’hiver, tout en fleurs, humilie le printemps des autres contrées ! Là, ce sont des rochers que l’aube transfigure en saphirs immenses, et le flot vient y mourir, dans une brume d’or et d’opale, doux comme un dernier baiser. — Si tu le préfères, nous réaliserons des rêves de gloire, nous accomplirons des tâches sublimes ! nous nous ferons bénir par des peuples ! — Mais, si tu le veux aussi, toi l’espingole à l’épaule et moi la harpe à la ceinture, vêtus de riches haillons diaprés, nous irons, en nomades, chanter sur les routes et dans les carrefours des villes de Bohème, comme les tziganes basanés ; je dirai l’avenir aux belles filles, et l’on nous jettera des