Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/289

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sur les neiges du Mont-Rose ? — Préfères-tu le hamac des Antilles aux tentes de la Bessarabie ? ou la volupté de l’espace ? Nous laisser emporter tous les deux sur la glace par les rennes, ou sur le sable par les autruches, ou voir, autour d’une tente, dans une oasis de l’ancienne Heptanomide, les dromadaires paisibles et agenouillés ? — Veux-tu nous ensevelir à Pompeia, dans une existence latine, comme si les Césars vivaient encore ? Ou, plus loin, vers le plus sombre Orient ? Viens. J’appuierai mon bras sur le tien, au milieu des pierres qui furent les jardins suspendus de Ninive ! et des ruines qui furent Thèbes, Sardes, Héliopolis, Ancyre, Sicyone, Éleusis — et la ville des mages, Ecbatane ! — Aimes-tu mieux une tour de marbre près de l’Euphrate, ou sous les sycomores de Solyme, ou sur les hauteurs de l’Horeb ? — Veux-tu rêver le rêve oriental et joyeux ? nous établir marchands à Samarcande, et trafiquer ? Tu te feras l’ambassadeur de quelque reine lointaine et tu me rendras visite à Saba. Nous verrons, en rois soucieux, le soleil, le soir, incendier les eaux de la Mer Rouge ! — Mais, si tu le veux, aussi, nous serons simplement amoureux l’un de l’autre et nous irons, dans quelque hutte des Florides, écouter les colibris !… Vois-tu, puisque nous sommes tout-puissants, puisque, maintenant, nous sommes pareils à des rois