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Axël

Oh ! le monde extérieur ! Ne soyons pas dupes du vieil esclave, enchaîné à nos pieds, dans la lumière, et qui nous promet les clefs d’un palais d’enchantements, alors qu’il ne cache, en sa noire main fermée, qu’une poignée de cendres ! Tout à l’heure, tu parlais de Bagdad, de Palmyre, que sais-je ? de Jérusalem. Si tu savais quel amas de pierres inhabitables, quel sol stérile et brûlant, quels nids de bêtes immondes sont, en réalité, ces pauvres bourgades, qui t’apparaissent, resplendissantes de souvenirs, au fond de cet Orient que tu portes en toi-même ! Et quelle tristesse ennuyée te causerait leur seul aspect !… Va, tu les as pensées ? il suffit : ne les regarde pas. La terre, te dis-je, est gonflée comme une bulle brillante, de misère et de mensonges, et, fille du néant originel, crève au moindre souffle, Sara, de ceux qui s’en approchent ! Éloignons-nous d’elle, tout à fait ! brusquement ! dans un sursaut sacré !… Le veux-tu ? Ce n’est pas une folie : tous les dieux qu’adora l’Humanité l’ont accompli avant nous, sûrs d’un Ciel, du ciel de leurs êtres !… Et je trouve, à leur exemple, que nous n’avons plus rien à faire ici.

Sara

Non ! c’est impossible !… Ce n’est plus véri-