Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/103

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une fois, on ne se soucie plus de ces autres transports qui vous sont suffisants.

Si vous croyez que je plaisante, rapprochez, en esprit, de tous les vœux exprimés dans les vers nationaux de Swinburne, ces précautions que je viens de vous spécifier, ces chambres matelassées des châteaux perdus et des maisons un peu sombres de l’Angleterre (de celles où l’on ne pénètre pas sans de longs détours) et vous concevrez sans effort que ce n’est point, comme à Paris, pour étouffer des marivaudages, des enfantillages, des viols et des minauderies, que quelques-uns de nos vieux et blasés industriels ont fait ces frais de tapissiers. Ils mettent leur Swinburne en action, car ils sont pratiques et ils partagent de tout point l’avis du poète Carlyle, qui déclare « préférer désormais au poème écrit le poème agi ».

— Le fait est, répondis-je après un moment de stupéfaction, — le fait est que vos compatriotes ne pourraient se procurer que bien difficilement à Paris et en France des joies de cet acabit : notre décadence en ferait bien vite une question de cour d’assises, et je ne trouve pas, s’il faut tout dire, qu’il y ait lieu de nous blâmer de notre infériorité à cet égard. D’ailleurs, l’Angleterre n’a pas le monopole de ce genre — d’amour. Aux yeux de quiconque a voyagé sur notre planète, ayant quelques notions d’Histoire ancienne, ces sortes d’excès sont de tradition à l’ordre du jour chez bien des peuples. En Perse, dans l’Inde, en Turquie d’Asie, en Russie, dans tout l’Orient et de nombreux para-