Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/14

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voilà tout. Et, comme il entre en toute nature déplacée, de devenir désagréable, parfois même criminelle, ils étaient devenus, naturellement, désagréables, et quelque peu criminels, — par simple ricochet : — ce dont ils se lavaient indifféremment les pattes, les jours de pluie et autres, en leur liberté impunie, en leur maligne irresponsabilité. De plus, le genre de bruit qu’ils proféraient ayant fini par les aguerrir, ils se piquaient, de temps en temps, entre les plumes, les uns les autres, comme si des lions ou des aigles se fussent vaguement rappelés en eux.

— Pour conclure, changeant, à la longue leur natal éden en un lieu d’ennui, d’horreur et de tristesse pour les autres, ils avaient fini par rendre l’Île inhabitable, sous le très spécieux prétexte qu’ils avaient « du talent ».


À ce céleste charivari se limitaient, d’ailleurs, les ressources de leur savoir-faire. — Une fois, en effet, un grand aigle avait effleuré, de son aile terrible, le sommet de leur habitacle : incident qui les avait comblés d’une telle épouvante qu’ils en gardèrent le silence pendant deux heures.

L’aigle, familier des rumeurs fulgurales, s’était approché, surpris des insolites éclats de leur tempête ; puis, les ayant entrevus, avait poussé un cri dédaigneux et s’était enfoncé dans l’espace.

Or, ce cri, les perroquets l’avaient remarqué, l’avaient médité ! Il n’était pas tombé en des oreilles de sourds !… Et, quelque temps après, ils avaient