Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/16

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plus monstrueux aras s’efforçaient de produire, rassuraient, au contraire, délicieusement, comme simples pronostics de beau fixe, les plus pusillanimes d’entre les autres animaux. Il eût fallu voir ceux-ci s’ébattre encore, paisiblement, sous les ramures, en cette heureuse matinée, — mêlant leurs jeux et leurs amours ! L’on paissait à loisir ; la vie semblait charmante ; c’était une résurrection.

Les perroquets, donc, en étaient revenus bien vite à leur orage, dont ils étaient plus sûrs et qu’ils falsifiaient en virtuoses, ayant eu le temps de le mieux étudier que le cri de l’aigle et le rugissement du lion, lesquels, — après tout, — n’intéressaient personne. L’on s’en tint là !… De temps à autre, l’on risquait bien quelque petit ressouvenir, mais de si brève durée que les bêtes n’en ressentaient qu’en sursauts déçus les effets bienfaisants.

L’Île fut donc replongée dans la désolation. Il semblait que le ciel ne décolérât pas. On gémissait des imaginaires intempéries que suggéraient sans trêve les talentueux jacquots, plagiaires et travestisseurs-jurés de la foudre. Une morne résignation pesait sur les organismes. Les perroquets, en étant même arrivés à ce degré de perfection de se démarquer les uns les autres, l’effet d’ensemble, dans l’imitation générale, était littéralement sans défaut. C’était l’Égalité même. De plus, leur stagnance empestait la région. L’Île n’était plus tenable. Plusieurs d’entre les plus jeunes des bêtes se réfugiaient dans le suicide, ce qui ne s’était jamais vu.