Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/190

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Le dialogue suivant s’engage à voix basse :

— Les boules sont prêtes ? — Oui. — Bien. Donnez-moi ce panier.

Ayant entre-bâillé la porte, l’envoyé passe le panier à quelqu’un que l’on entend redescendre à l'instant même. — La porte une fois refermée :

— J’ai demandé le locataire d’un autre étage, chez qui votre concierge me croit monté.

Ce disant, l’émissaire a dévissé, très vite, la pomme et le bout de sa canne. Celle-ci s’ouvre en compas, emboîtant ses deux moitiés dans un écrou central que vient renforcer, en glissant, une rondelle d’acier : la canne est devenue, ainsi, une longue tige d’acier pur, très droite, d’environ six pieds. Ajustant à l’un des bouts recourbés le nœud coulant d’une forte et vibrante corde gommée, puis s’arc-boutant et faisant plier toute la tige, il ajuste l’autre nœud à l’autre bout de la canne, transfigurant ainsi le prétendu jonc en un arc d’un acier bien trempé et d’une très évidente puissance.

— Cet arc revient à quinze francs, par commande de cent cinquante, dit-il. Nous pouvons voir, dans les musées de vieilleries, bien des flèches rouillées qui, avec leurs lourdes pointes de fer, pèsent encore plus d’une livre : les archers d’autrefois les envoyaient tomber à cent quarante mètres et plus. Cet arc-ci envoie donc, facilement, tomber à quatre-vingts mètres une flèche du poids de sept cents grammes — et d’une livre et demie, à soixante-dix mètres.