Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/191

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L’envoyé s’est assis devant la table, sur laquelle il a posé son sac ouvert.

— Les boules, maintenant ! dit-il : les brunes à ma droite, les blondes à ma gauche. Doucement !… et ne laissons rien choir. — Bien. À présent, passez-moi l’un de ces longs et creux bâtons de verre. — Bien.

Ici, l’envoyé regarde fixement son acolyte : puis froidement, et à voix basse :

— Notre flèche, à nous, et flamboyante ! la voici… Voyez : le bout plein est muni d’une encoche pour bien mordre la corde de cet arc ; — en ces trois entailles, dont une centrale, et deux latérales (que j’enduis de cette pâte forte, tout à l’heure séchée), j’ajuste ces trois pennes de parchemin qui permettent à ce trait, à cet oiseau de tonnerre, de filer droit vers le but visé. — Voyez ce quadrillé, creusé dans le verre, un peu au-dessus de l’encoche ; c’est pour donner au pouce une prise plus ferme, et que, dans la traction de la corde, la flèche ne s’échappe pas avant la tension voulue.

« Je place donc cette flèche, tout au long, sur la table — et l’incline d’un degré à peine, — juste ce qu’il faut pour que cette boule brune, que j’y glisse arrive doucement jusqu’au fond, où se trouve un léger ressort très flexible, qui amortit le heurt de cette arrivée. — À présent, une blonde ! et nous alternons ainsi jusqu’à vingt billes par flèche. Il y a place, au bout de ce javelot, pour les deux tiers de ce court piston de bois, que j’enfonce, avec mille précautions et pour cause. Le bout qui en pénètre