Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/220

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Elle secoua la tête.

L’insidieux Athénien, la voulant contraindre à des aveux plus hâtifs, reprit, aussitôt, d’un air de souveraine indifférence :

— Oh ! garde ton secret.

Ce disant, il jeta loin sur les dalles, à travers les ténèbres bleuies par la lampe, l’objet risible et mélancolique.

Aspasie, alors, attira, sous le charme de ses lèvres, le front du jeune héros et, subtile, avec des fiertés de guerrière, en un baiser :

— Moins d’artifice, enfant ! Je cède !… répondit-elle. — Pourquoi j’ai commis cet acte ?… Parce que mon cœur s’est passionné pour toi d’un clairvoyant amour.

Le fils de Clinias, à cette parole, ouvrit de grands yeux.

— Est-ce une raison pour couper la queue de mon chien ? s’écria-t-il.

Mais la grave courtisane, les yeux baignés de magnifiques larmes, qui tombèrent, comme de longs diamants, avec des lueurs de collier brisé, à l’entour du cou de marbre d’Alcibiades :

— Ami, dit-elle, je suis, tu le sais, une femme dont l’esprit ne s’illusionne que pour se distraire et j’ai l’instinct aussi droit qu’une pensée de Socrate. — Écoute-moi !

La blanche créature parut se recueillir quelques instants.

— À l’âge où les autres hommes sortent à peine des gymnases, continua-t-elle, n’es-tu pas le chef