Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/24

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que celle du milieu, craquèrent, pressées par le cours du Rhône, et que le bois vermoulu céda, et qu’en une sorte d’épouvantée, de noire salutation, toutes deux s’abattirent en arrière, dans l’écume, silencieusement.

Mosé demeura sans s’avancer, et hagard, devant ce spectacle : il faillit enfoncer et cracha deux gorgées.

Maintenant, la grande Croix seule, spes unica, découpait son signe suprême sur le fond mystérieux du firmamental espace ; elle proférait son pâle Couronné d’épines, cloué, les bras étendus, les yeux fermés.

Le vieillard, suffoqué, presque défaillant, n’ayant plus que le seul instinct des êtres qui se noient, se décida, désespérément, à nager, quand même, vers l’emblème sublime, son or à sauver triplant ses dernières forces et le justifiant à ses yeux qu’une imminente agonie rendait troubles ! — Arrivé au pied de la Croix, — oh ! ce fut de mauvaise grâce (hâtons-nous de le dire à sa louange) et en éloignant sa tête le plus possible, qu’il se résigna, l’échappé des eaux, à saisir et entourer de ses bras l’arbre de l’Abîme, celui qui, écrasant de sa base toute raison humaine, partage, en quatre inévitables chemins l’Infini.

Le pauvre riche prit pied ; l’eau montait, le soulevant à mi-corps : autour de lui la diluviale étendue muette… — Oh ! là-bas ! une voile ! une embarcation !

Il cria.