Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/257

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Avec mon système, tout le monde est heureux. Bref, je suis de ceux sur la pierre desquels on inscrira : Transiit benefaciendo. Pour emporter la situation, je sais insinuer, même, sous mille poétiques circonlocutions, à ma fiancée, que la Nature, plus enjouée que de coutume le jour de ma naissance, m’a doué d’une myopie… décidée. — Six mois après, de concert avec la vicomtesse, je fais constater l’incompatibilité d’humeur, avec sévices et dissipations, au besoin concubinage, par les divers membres de notre Société, — le tout à charge de revanche, car l’union fait la force. J’accepte tous les torts, je feins l’opposition la plus furieuse… et crac ! je divorce ! laissant noms et titres à mon fils, un Rotybal sérieux ; revêtu, comme vous voyez, de toutes les herbes de la Saint-Jean. Ci, donc, nos cent mille francs.

Le semestre suivant, sur un nouvel avis, j’adviens en un département vierge ; fort de mes économies précédentes, quelles défiances éveillerais-je ?

Même jeu. Six mois après, crac ! je divorce. Et ainsi de suite. Je fais boule de neige. — Réussir ? Question d’entraînement. Vous voyez comme c’est simple. Je vous le répète : c’est l’œuf de Christophe Colomb.

À ces paroles, M. le juge d’instruction a regardé assez longtemps, en silence, le jeune vainqueur ; — puis :

— L’ignoble cynisme avec lequel…

— Permettez ! a interrompu — toujours souriant ! — M. de Rotybal de sa même voix flûtée ; je devais