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Garden : lord W, accouru sur télégramme, s’y trouvait déjà chez le directeur.


— Voici l’éléphant blanc ! s’écria Mayëris radieux. Mylord, veuillez bien nous délivrer le chèque promis sur la banque d’Angleterre ?

Il y eut un moment de silence, bien naturel, devant la sombre physionomie de la bête.

— Mais, — mais il est noir, monsieur, votre éléphant blanc ? finit par murmurer le directeur.

— Ce n’est rien ! répondit en souriant le dompteur. C’est que nous avons été obligés de le teindre pour l’enlever.

— Alors, s’il vous plaît, déteignez-le ! répliqua lord W, car, enfin, nous ne pouvons proclamer blanc ce qui est noir.

Le lendemain Mayëris revint, avec les chimistes nécessaires, pour procéder sans délais à l’opération. Ceux-ci s’acharnèrent donc à relotionner aussitôt de réactifs puissants le malheureux pachyderme qui, roulant ses regards albinos, paraissait se demander avec inquiétude : « — Ah ! ça, qu’ont donc ces hommes à m’humecter, de la sorte, à chaque instant ?… »

Mais les acides de la teinture initiale avaient pénétré profondément l’épais tissu cutané du proboscidien, de sorte qu’en se combinant avec les acides, ces réactifs, appliqués à l’étourdie, produiraient un résultat inattendu. Loin de reprendre sa teinte natale, l’éléphant était devenu vert, orange, bleu-de-roi, cramoisi, gorge de pigeon, —