Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/285

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incapables. Seulement, cette perte de mon capital me porte un coup irréparable, car, à la longue, en trois ou quatre ans peut être : j’en ai la conviction, sa peau vivante eût repris sa nuance naturelle.

Sur ces entrefaites, un ultimatum de lord W parvint à Mayëris : l’Anglais lui notifiait, une fois pour toutes, que « s’en tenant aux termes du traité, il ne se reconnaîtrait point débiteur pour un éléphant mulâtre, — qu’en tout cas, improuvant la mésalliance provoquée, il offrait cinq mille livres d’indemnité pour étouffer l’affaire en conseillant au dompteur de retourner se procurer un autre éléphant blanc et, cette fois, de le moins bien teindre. »

— Comme si l’on pouvait enlever deux éléphants blancs dans sa vie ! grommela le belluaire furieux. C’est bien ! on plaidera.

Mais, attorneys et solicitors lui ayant assuré la perte de sa cause, Mayëris en soupirant, se contenta de frapper d’opposition le rejeton futur de son défunt prisonnier, nomma un curateur, accepta les cinq mille livres pour ses hommes et quitta Londres.

Depuis, lorsqu’il raconte avec mélancolie cette aventure — trop fantaisiste pour n’être pas incroyable — il ajoute, d’un étrange timbre de voix où semblent ricaner on ne sait quels esprits lointains :

— « Gloire, succès, fortune ? Vapeurs et nuages ! Avant-hier un royaume fut perdu pour un coup d’