Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/292

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de son joli visage, mille boucles crêpelées au ton noir bleuâtre. Rieuse, elle haletait doucement de sa course vers nous, montrant ses dents radieuses. La bouche épaisse, violemment rouge, s’entr’ouvrait, respirant vite.

— Olè ! s’écria-t-elle.

Et la mobilité de ses prunelles, d’un noir étincelant, avivait la chaude pâleur ambrée de ses joues. Ses narines de sauvagesse, aux senteurs qui passaient des lointaines Antilles, se dilataient. — Une mousseline, d’où tombaient ses bras nus, sur le battement léger du sein. Sur les soieries brunes d’une basquine bariolée de rayures d’un jaune d’or, était suspendu, à hauteur de la ceinture, un frêle éventaire en treillis, chargé de roses-mousse, de boutons, à peine en fleurs, de tubéreuses et d’oranger. — Au bracelet de son poignet gauche tintait une paire de sonores castagnettes en bois d’acajou. — Ses petits pieds de créole, en souliers brodés, avaient cette excitante allure habituelle aux filles paresseuses de la Havane. Vraiment de subtiles voluptés émanaient de cette aimable jeune fille. — À sa hanche, pour un moment flambaient, aux derniers rayons du crépuscule, les cuivreries d’un tambour de basque.

En silence, elle piqua deux boutons de roses-mousse à nos boutonnières, nous forçant ainsi de respirer ses cheveux tout pénétrés de senteurs de savanes.

— Nous dînons ensemble, tous trois ? dit le lieutenant.