Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/327

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Et voici que, chose plus surprenante encore les États-Généraux de la Hollande, de l’assentiment des chancelleries et du roi Guillaume II, avaient accordé, tout à coup, à cet énigmatique passant, les funérailles d’honneur d’un prince, et avaient prouvé officiellement, que sur sa pierre tombale fût inscrite cette épitaphe :

« Ci-gît Charles-Louis de Bourbon, duc de Normandie, fils du roi Louis XVI et de Marie-Antoinette d’Autriche, XVIIe du nom, roi de France. »

Que signifiait ceci ?… Ce sépulcre — démenti donné au monde entier, à l’Histoire, aux convictions les plus assurées — se dressait là-bas, en Hollande, comme une chose de rêve à laquelle on ne voulait pas trop penser.

Cette immotivée décision de l’étranger ne pouvait qu’aggraver de légitimes défiances : on en maudissait l’accusation terrible.

Quoi qu’il en fût, un jour de l’autrefois, cet homme de mystère, de détresse et d’exil était venu rendre visite à l’avocat déjà célèbre qui devait être, aujourd’hui ! le délégué de la France vaincue. En fantastique revenant, il avait sollicité l’orateur républicain, lui confiant la défense de son histoire. Et, par un nouveau phénomène, l’indifférence initiale, sinon l’hostilité même, du futur tribun, s’étaient dissipées au premier examen des documents présentés à son appréciation. Bientôt remué, saisi, convaincu (à tort ou à raison, qu’importe !), Jules Favre avait pris à cœur cette cause — qu’il devait étudier pendant trente années et plaider