Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/336

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— Non, me répondit-il : je ne suis à Weimar qu’en simple amateur.

Sur une question vague, au sujet de l’agitation moderne en son pays d’adoption :

— De nos jours, me répondit-il, un tzar n’est observé avec malveillance que par les milliers d’yeux de la petite seigneurie russe, de la menue noblesse toujours mécontente. Quant à vos idées de liberté, elles sont, là-bas, inoffensives. Les serfs affranchis viennent, d’eux-mêmes, se revendre. Tous sont pour l’Empereur. Ce n’est plus sous les pieds d’un tzar, c’est autour de lui que luisent les yeux de mauvais augure.

Nous prenions le café. Tout en aspirant un régalia, Phëdro me conseillait, maintenant, en diplomate, sur les « moyens de parvenir dans la vie » — et j’écoutais cet adroit courtisan, comme dit Guizot, avec cette sorte d’estime triste qui ne peut se réfugier que dans le silence.

On se levait. Mon compagnon de voyage, M. Catulle Mendès, s’approcha de moi.

— Le Grand-duc vient passer la soirée chez Liszt, me dit-il : il désire que ses hôtes français lui soient présentés. Liszt, étant son maître de chapelle, m’envoie te prier d’accepter, sans cérémonie, une tasse de thé. Apporte un de tes manuscrits.

— Soit, répondis-je.

Vers neuf heures, chez Liszt, après une présentation semi-officielle, le Grand-duc, un élancé jeune homme de trente-huit à quarante ans, m’