Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/348

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voix basse. Ne sachant qui exterminer, s’étonnant, à chaque instant, de vivre encore, il rêvait, taciturne et menaçant.

Une tenture s’écarta, donnant passage à un officier : celui-ci amenait, par la natte, un jeune homme inconnu, aux grands yeux clairs et d’une belle physionomie. L’adolescent était revêtu d’une robe de soie feu, à ceinture brochée d’argent. Devant Tchë-Tang, il se prosterna.

Sur un coup d’œil du roi :

— Fils du Ciel, répondit l’officier, ce jeune homme a déclaré n’être qu’un obscur citoyen de la ville et s’appeler Tsë-i-la. Cependant, au mépris de la Mort lente, il offre de prouver qu’il vient en mission vers toi de la part des Poussahs immortels.

— Parle, dit Tchë-Tang.

Tsë-i-la se redressa.


— Seigneur, dit-il d’une voix calme, je sais ce qui m’attend si je tiens mal mes paroles. — Cette nuit, dans un songe terrible, les Poussahs, m’ayant favorisé de leur visitation, m’ont fait présent d’un secret qui éblouit l’entendement mortel. Si tu daignes l’écouter, tu reconnaîtras qu’il n’est point d’origine humaine, car l’entendre, seulement, éveillera, dans ton être, un sens nouveau. Sa vertu te communiquera sur-le-champ le don mystérieux de lire — les yeux fermés, dans l’espace qui sépare les prunelles des paupières — les noms mêmes, en traits de sang ! de tous ceux qui pourraient conspirer