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LE SECRET DE LA BELLE ARDIANE

À Monsieur Paul Ginisty.


Bonheur dans le crime.
Jules Barbey d’Aurevilly.


La maisonnette neuve du jeune garde-chef des Eaux et Forêts, Pier Albrun, dominait, sur un versant, le village d’Ypinx-les-Trembles, sis à deux lieues de Perpignan, — non loin d’un val des Pyrénées-Orientales, ouvert sur cette plaine de Ruyssors que bornent, à l’horizon, vers l’Espagne, de grandes sapinières.

En pente, au-dessus d’un gave dont l’écume bouillonnait entre des roches, le jardin, d’où s’élançaient, ombrageant mille fleurs mi-sauvages, des touffes de lauriers-roses et de caroubiers, encensait d’une vapeur de cassolettes la riante bastide, et de hauts prussiers, s’étageant derrière elle, disséminaient, au frôler des brises pyrénéennes, ces aromales senteurs de baume sur le village. — Un paradis, cette pauvre et jolie demeure ! qu’habitait, avec sa jeune femme, ce beau gars de vingt-huit ans, à peau blanche, aux yeux de brave.