Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la condition sine quâ non et le régime de la planète (révolutions que la géologie découvre par mil-

    Et que savons-nous, malgré cela ? Nous connaissons quelques millions d’étoiles ainsi qu’une partie des phénomènes de leurs évolutions variées : les enfants d’aujourd’hui, plus analystes que les petits pâtres chaldéens, peuvent, en divisant une seconde au degré sur le parcours d’un rayon, savoir la distance qui nous sépare de chacune d’elles, et peser la substance dont elles sont composées en calculant la force d’attraction les unes des autres. — Cette affirmation que tout le système solaire, — que l’Univers, comme on dit, — ne pèse pas seulement un sextillion de livres (s’il est vrai que deux et deux fassent quatre), pourrait même, selon nous, éveiller un sourire dont le scepticisme convenu ne serait pas tout à fait exempt d’horreur.

    Oui ! nous avons analysé le faisceau d’angles lumineux qu’un rayon parcourant près de cent mille lieues par seconde vient projeter sur notre œil après avoir franchi, durant au moins dix ans, les vastes abîmes de l’éther et les dix mille kilos d’atmosphère dont l’œil humain supporte la pression, et nous avons perfectionné nos lentilles, inventé les polariscopes, rapproché un peu le ciel : ce qui revient à dire, au fond, que nous jouissons, grâce à nos puissants instruments obtenus par tant de travaux, de sang et de veilles, d’une vue un peu meilleure que celle de ces Allemands qui, au dire de la science, distinguaient à l’œil nu des satellites de Jupiter, les anneaux de Saturne, et qui marquaient, un crayon à la main, des distances de nébuleuses. Le télescope est peut-être comme la béquille de nos yeux affaiblis et malades ! Qui sait jusqu’où les premiers hommes voyaient naturellement ? Que le monde soit âgé de six mille ans, ou d’autant de milliards de siècles, tout cela se vaut sous la réflexion : il faut toujours en venir au commencement, c’est-à-dire au non-sens, au mystère, à l’immémorial, à l’absurde. Les données que nous avons aujourd’hui dans le détail du ciel, ou dans ses lois générales, seront renversées demain, peut-