Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/118

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liers), qu’un accident de cette nature, enfin, sans parler de l’hypothèse désormais très-présentable d’un choc, suffirait, pour que tout notre progrès courût grand risque d’aller rejoindre, à son rang, les civilisations assyriennes, les empires des vieux mondes et la science des mages hiéroglyphytes, dans la suprême nuit de l’éternité ?

    être, par d’autres données et d’autres lois, — et voilà tout notre substratum.

    Déjà des critiques s’élèvent et d’une manière très-suffisamment spécieuse pour être digne d’attention.

    Cependant, bien que la plupart des astronomes regardent le firmament comme l’anatomiste regarde un cadavre, il n’en est pas moins resté superbement inconnu. Mais on dirait que le public n’a plus le temps de penser à lui ! À peine ressentons-nous quelquefois son vertige divin ! Les Chaldéens concevaient la grandeur des rapports qui peuvent nous unir à son silence. « Imaginations de pasteurs grossiers ! » dit-on. Mais toute réalité suppose une imagination antérieure qui l’a pensée. — Où commence, où finit l’imagination ? Ce qu’elle voit est ou n’est pas : si ce n’est pas, comment se fait-il qu’elle puisse le voir ?… Si c’est, au contraire, qu’est-ce que la réalité d’un corps peut ajouter de plus à la sienne, pour nous, puisque tout finit par disparaître pour nous ?

    Ah ! les enfants de la Chaldée, errant sur les montagnes au milieu du vent nocturne, la ressentaient bien, cette Poésie qui est la conscience de la nature, et ils avaient bien raison d’attacher, d’un regard de foi dépassant les progrès futurs, leurs obscures destinées au cours lumineux d’une étoile, et de créer ainsi, dans tout l’infini de leur pensée, un rapport irrévocable de leur humilité à sa sublimité.