Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/128

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très-malheureux pour son existence, et que nous ne devons rapporter qu’à cause du caractère purement poétique dont il s’enveloppa, survint dans son existence vers la fin de la troisième année.

Une nuit, Tullia Fabriana, renfermée et isolée dans sa pensée, comme toujours, était assise devant sa table : la lampe de fer, placée auprès d’elle, laissait dans l’obscurité les profondeurs de l’appartement, mais éclairait en plein cette physionomie tranquille dont les regards tout intérieurs paraissaient contempler des firmaments inconnus.

Oh ! le monde visible ! la chose qui trouble, malgré sa contingence insignifiante ! Il faisait une nuit malsaine, lourde et gonflée d’orage. Pareils à de lointains hurlements poussés de ce côté par la planète, les convulsions de l’électricité se prolongeaient dans les montagnes. Le ciel avait des teintes d’or, de jais et de bistre ; des nuages immenses arrivaient en toute hâte ; la jeune femme pouvait entendre ces coups sourds, éloignés et confus dont le murmure, emporté par le vent pluvieux et tiède, entrait par les croisées ouvertes. On eût dit que la nature extérieure voulait la prévenir à