Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/198

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elle avait un anneau d’or constellé de grosses émeraudes : cet anneau formait sa seule parure ; elle ne le quittait jamais, même le long du sommeil, pour des raisons particulières. Ses pieds nuds jouaient dans de blanches mules de velours festonnées de broderies moresques.

Elle rêvait ainsi, perdue au milieu de sa beauté, ressortant, toute suavement couchée, du fond sombre qui l’entourait, et, certes, à la voir si presque positivement exempte des soucis possibles, on n’eût pas deviné de quelle nature était l’effrayant rêve, le rêve inouï ! qui vivait dans son âme inexplorée.

Elle regardait depuis longtemps les torses démesurés sur lesquels miroitait la lumière de la veilleuse.

La soirée au dehors s’obscurcissait.

Souvent, dans la campagne, un rayon de lune étreignant des ruines est une évocation. Les pierres, vêtues de mousses et de souvenirs, paraissent avoir vu tant d’histoires et d’événements oubliés ! Les légendes s’éveillent, les bois et les bruyères se peuplent de visions et de murmures…