Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parfums des charmeresses antiques, un arôme riche et subtil, une senteur de baumes, de styrax et de roses, l’étourdissaient.

Et une Vision, fulgurante de relief et de profondeur, s’éleva devant ses yeux :

Il lui sembla que le palais était devenu très-ancien ; des lierres couvraient son front foudroyé ; ses façades en ruines étaient cachées par la mousse ; cependant le vieil être de pierre rappelait encore sa forme ; il avait celle d’un homme couché, les membres étendus, sur une montagne. En proie aux désolations lointaines, la Nuit se chargeait maintenant de l’ensevelir dans son linceul ; le Ciel, drap mortuaire, parsemé des grands pleurs de feu qui roulent incessamment sur sa face, était jeté sur sa solitude ; pour lui aussi, le Néant bâtissait, dans l’impérative éternité, son vague mausolée d’oubli. Et le vieux palais ressemblait à l’un de ces géants dont la barbe et les cheveux poussaient dans le tombeau.

Mais s’il se dressait sombre et dévasté, les jardins resplendissaient au clair de lune ! Les arbres et les fleurs étaient d’une féerique beauté ; au loin,