Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/99

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moteurs de l’esprit humain, — on n’a plus guère de cœur à l’ouvrage.

Le manque d’humilité et d’espérance a donné pour résultat l’ennui égoïste et dévorant.

Le progrès est devenu d’une évidence et d’une nécessité douteuses : d’ailleurs, l’économie politique, mise en demeure de formuler une possibilité d’avenir, sinon satisfaisant, du moins en rapport avec les instincts de notre conscience, n’aboutit, après les plus sublimes efforts, qu’à de ridicules ténèbres. On n’est plus religieux, on est timoré. Plus de jeunesse et plus d’idéal. L’inquiétude s’installe dans la famille, dans la justice et dans l’avenir. Comme les dieux et comme les rois, l’Art, l’Inspiration et l’Amour s’en vont !… Les pays se déversent les uns dans les autres et les sociétés se croisent sans se comprendre et sans tenir à se comprendre. Riches et pauvres, travailleurs et désœuvrés, nous sommes emportés dans la tristesse par un vent de sépulcre, d’effarement et de malaise. — La question de ce que la Mort nous réserve dans la profondeur est passée, pour la plupart des gens, à l’état d’oiseuse et d’insignifiante ; la dérisoire