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excellentes ; ils n’enseignent pas cela. Rien n’est plus douloureux à suivre que les efforts de nos jeunes gens pour se mettre au courant des idées dirigeantes de leur époque. Combien n’en ai-je pas vu qui se faisaient plus aisément les concitoyens de Lycurgue et de Platon que ceux de Tocqueville, et les contemporains de Virgile que ceux de Victor Hugo et de Tennyson ! Il importe que chaque nouvelle génération entre dans la vie moderne sans étonnement, qu’elle sache s’y reconnaître et s’y mouvoir, et que, s’il lui reste encore beaucoup à apprendre, elle ne perde pas du moins deux ou trois années à se renseigner. Mettre sous les yeux des jeunes gens le mouvement de l’esprit dans toutes les voies de la connaissance humaine pendant la dernière et la plus récente étape, voilà donc le complément le plus indispensable de l’éducation libérale.

En lisant le programme, ne prenez donc pas pour définitives et closes ni la liste des cours relatifs à la politique, ni celle des cours relatifs aux lettres, sciences et arts. Ces listes restent ouvertes. Tout chargé de ses fruits, le tronc reste préparé pour la greffe, et je compte y insérer successivement toutes les branches que l’esprit gonflera d’une sève nouvelle, tandis que je laisserai tomber un à un les rameaux d’où la vie se sera retirée.

Un autre point qui ne m’a pas moins préoccupé, c’est de marquer l’enseignement d’un caractère historique et critique plutôt que dogmatique. Les axiomes et les théories absolues ne sont bien placés que dans l’instruction élémentaire. On dit à l’enfant : « Écoute, retiens et crois. » Au jeune homme et à l’homme mûr, il faut dire : « Vois, compare et juge. » Grouper, ex-