Page:Viollet-Leduc - Bibliographie des chansons, fabliaux, 1859.djvu/23

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puisse trouver un aperçu du sujet contenu dans l’ouvrage qu’il désire, quelques détails sur la vie de l’auteur, quelques citations s’il y a lieu, et par ci par là de rapides données sur la tendance de l’époque où le livre a été écrit. Or, pour arriver à donner cette utilité et cet intérêt à de semblables recueils, il faut savoir se restreindre et limiter son champ d’observations comme a su le faire Viollet-Leduc dans ce nouveau travail bibliographique. Son but a été de rassembler ici sous nos yeux les plus sémillantes saillies de la verve épicurienne et franchement réaliste de nos pères, de nous les faire juger et apprécier, et ce but a été atteint. De savantes notices biographiques et littéraires, souvent même des articles critiques complets et jusqu’à des citations, vers et prose, accompagnent chacun des ouvrages catalogués par lui.

Sa critique d’ailleurs est loin d’être une répétition banale d’éloges adressés à la hâte ; en passant cette revue de morts illustres, il ne paye pas d’un sourire uniforme ces files régulières d’auteurs alignés sous son regard. Il y a dans l’esprit de Viollet-Leduc un goût sévère, une délicatesse de tact qui le mettent en garde contre la bienveillance outrée ; il adresse souvent de véritables réprimandes à ceux de ces gais compères qui se sont contentés de sottises courantes, ou dont la verve affolée a trop étourdiment envahi les frontières’de l’obscène et de la grossièreté. Voici, par exemple, comme il termine la notice consacrée aux contes de Grécourt :

« La licence des sujets traités par Grécourt rend seule possible, pour certains esprits, la lecture de ses poésies ; car le petit nombre de pièces décentes qui sont dans ce recueil n’ont de remarquable qu’une abondante facilité lâche et souvent plate. Du reste, il lui était presque impossible d’abandonner entièrement sa manière ; car il a trouvé moyen de rendre indécentes ses fables mêmes. »

Voyez encore ce trait malin lancé à toutes les poésies de J. B. Rousseau, à propos de ses épigrammes : « Certes, la gloire de Rousseau ne serait pas moins grande sans cette débauche de son esprit, quoiqu’il ait fait preuve, dans ses épigrammes, d’une verve d’invention et de style qu’il n’a pas toujours em-