Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[siège]
— 384 —

l’ancienne porte Mountoulieu ou Montolieu, se dirigeait droit à l’ouest, pour atteindre le bras du fleuve en amont de l’église de la Dalbade.

De ce côté, au sud, en dehors de l’enceinte et à cent cinquante mètres environ de la Garonne, s’élevait le château Narbonnais, vaste forteresse qui commandait les portes Saint-Michel, Montgaillard et Montolieu[1]. Des prairies, des vergers, des jardins, s’étendaient de ce côté depuis la Garonne jusqu’aux coteaux que longe aujourd’hui le canal du Midi. Sur le fleuve, en amont, existait une tour du coin, qui reliait la ville à une île. Vers l’est, les remparts formaient donc un arc de cercle, et se reliaient au nord à l’enceinte de l’abbaye de Saint-Sernin, qui descendait, en formant un rentrant, vers le fleuve, en aval, jusqu’au point où était établie la tour du Bazacle. Le pont, dont on voit quelques restes, un peu en aval du milieu de la cité, aboutissait à une tête palissadée par les habitants, à une tour et à un hôpital qui, au besoin, pouvait être défendu.

Dans sa colère, Simon de Montfort voulait, dès son arrivée, pénétrer dans la ville ; mais son frère et les chevaliers renfermés dans le château Narbonnais[2] lui firent comprendre, non sans peine, que cette entreprise ne pouvait avoir que de fâcheuses suites. Dédaignant ces bourgeois révoltés, le comte ne prit d’abord aucune mesure ; il se contenta de réunir son monde, fit munir le château Narbonnais, terrasser les courtines pour y placer des mangonneaux, des pierrières, et, sans investir la place par des ouvrages de contrevallation, prétendit la forcer par un vigoureux assaut, du côté de la porte Montolieu. Les gens de la ville l’attendirent, non pas derrière leurs portes fraîchement relevées, mais en dehors, dans la prairie bien palissadée, munie d’ouvrages de bois flanquants et de bons fossés. L’attaque des Français est soutenue par la garnison du château, qui envoie dans la ville et la prairie force traits et pierres. Cependant Gui, le frère du comte Simon, est blessé, bon nombre de barons sont tués, et, sur l’avis de Hugues de Lascy, l’ordre de la retraite est donné.

Le comte Simon, plein d’une sombre colère, est de nouveau rentré dans le château Narbonnais, et silencieux écoute les avis de ses barons

  1. Aujourd’hui Mountoulieu.
  2. Il n’est guère possible aujourd’hui de se rendre compte de la position du château Narbonnais, dont il ne reste pas le moindre vestige. Mais cet ouvrage, enfermé dans l’enceinte de la ville vers la fin du XIIIe siècle, laissait encore voir, il y a un siècle, ses enceintes extérieures. Des plans que possède la ville de Toulouse, et que M. Esquié, architecte du département de la Haute-Garonne, a bien voulu nous faire calquer, donnent cette enceinte, qui comprenait toute la surface du palais actuel de la Cour impériale, et était bornée, du côté de la Garonne, par la rue de l’Inquisition, au nord par la place de la Vigerie et la rue des Fleurs. Au sud, les murs du château formaient la défense de la ville ; et donnaient, au XIVe siècle, sur une barbacane qui exista jusqu’à la fin du dernier siècle. Mais du temps de Simon de Montfort, il y avait au moins cent mètres entre le château Narbonnais et l’enceinte de la ville.