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aveugle est déjà loin de nous, notre siècle cherche à résumer le passé ; il semble reconnaître (et en cela nous croyons qu’il est dans le vrai) que pour se frayer un chemin dans l’avenir, il faut savoir d’où l’on vient, profiter de tout ce que les siècles précédents ont laborieusement amassé. Ce sentiment est quelque chose de plus profond qu’une réaction contre l’esprit destructeur du siècle dernier, c’est un besoin du moment ; et si quelques exagérations ont pu effrayer les esprits sérieux, si l’amour du passé a parfois été poussé jusqu’au fanatisme, il n’en reste pas moins au fond de la vie intellectuelle de notre époque une tendance générale et très-prononcée vers les études historiques, qu’elles appartiennent à la politique, à la législation, aux lettres ou aux arts. Il suffit pour s’en convaincre (si cette observation avait besoin de s’appuyer sur des preuves), de voir avec quelle avidité le public en France, en Angleterre et en Allemagne se jette sur toutes les œuvres qui traitent de l’histoire ou de l’archéologie, avec quel empressement les erreurs sont relevées, les monuments et les textes mis en lumière. Il semble que les découvertes nouvelles viennent en aide à ce mouvement général. Au moment où la main des artistes ne suffit pas à recueillir les restes si nombreux et si précieux de nos édifices anciens, apparaît la photographie qui forme en quelques années un inventaire fidèle de tous ces débris. De sages dispositions administratives réunissent et centralisent les documents épars de notre histoire ; les départements, les villes voient des sociétés se fonder dans leur sein pour la conservation des monuments épargnés par les révolutions et la spéculation ; le budget de l’État, au milieu des crises politiques les plus graves, ne cesse de porter dans ses colonnes des sommes importantes pour sauver de la ruine tant d’œuvres d’art si longtemps mises en oubli. Et ce mouvement ne suit pas les fluctuations d’une mode, il est constant, il est chaque jour plus marqué, et après avoir pris naissance au milieu de quelques hommes éclairés, il se répand peu à peu dans les masses ; il faut dire même qu’il est surtout prononcé dans les classes