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née par le mouvement général, s’allie plus franchement à l’architecture pour l’aider dans les effets qu’elle veut obtenir (voy. Peinture, Vitrail). Nous remarquerons ici que ces deux arts (la sculpture et la peinture) se soumettent entièrement à l’architecture lorsque celle-ci arrive à son apogée, et reprennent une certaine indépendance, qui ne leur profite guère du reste, lorsque l’architecture dégénère.

De ce que beaucoup de nos grands édifices du moyen âge ont été commencés à la fin du XIIe siècle, et terminés pendant les XIVe ou XVe, on en conclut qu’on a mis deux ou trois cents ans à les bâtir, cela n’est point exact ; jamais peut-être, si ce n’est de nos jours, les constructions n’ont été élevées plus rapidement que pendant les XIIIe et XIVe siècles. Seulement ces monuments, bâtis au moyen des ressources particulières des évêques, des monastères, des chapitres, ou des seigneurs, ont été souvent interrompus par des événements politiques, ou faute d’argent ; mais lorsque les ressources ne manquaient pas, les architectes menaient leurs travaux avec une rapidité prodigieuse ; les exemples ne nous font pas faute pour justifier cette assertion. La nouvelle cathédrale de Paris fut fondée en 1168, en 1196 le chœur était achevé ; en 1220 elle était complétement terminée ; les chapelles de la nef, les deux pignons de la croisée, et les chapelles du chœur n’étant que des modifications à l’édifice primitif, dont il eût pu se passer (voy. Cathédrale). Voici donc un immense monument, qui ne coûterait pas moins de soixante à soixante-dix millions de notre monnaie, élevé en cinquante ans. Presque toutes nos grandes cathédrales ont été bâties, sauf les adjonctions postérieures, dans un nombre d’années aussi restreint. La Sainte-Chapelle de Paris fut élevée et complétement achevée en moins de huit années (voy. Chapelle). Or quand on songe à la quantité innombrable de statues, de sculptures, aux surfaces énormes de vitraux, aux ornements de tout genre qui entraient dans la composition de ces monuments, on sera émerveillé de l’activité et du nombre des artistes, artisans et ouvriers, dont on disposait alors, surtout lorsque l’on sait que toutes ces sculptures, soit d’ornements, soit de figures, que ces vitraux étaient terminés au fur et à mesure de l’avancement de l’œuvre.

Si de vastes monuments religieux, couverts de riches décorations, pouvaient être construits aussi rapidement, à plus forte raison, des monastères, des châteaux d’une architecture assez simple généralement, et qui devaient satisfaire à des besoins matériels immédiats, devaient-ils être élevés dans un espace de temps très-court. Lorsque les dates de fondation et d’achèvement font défaut, les constructions sont là qui montrent assez, pour peu qu’on ait quelque pratique de l’art, avec quelle rapidité elles étaient menées à fin. Ces grands établissements militaires tels que Coucy, Château-Thierry, entre autres, et plus tard Vincennes, Pierrefonds, sont sortis de terre et ont été livrés à leurs garnisons en quelques années (voy. Architecture Militaire, Château).

Il est dans l’histoire des peuples de ces siècles féconds qui semblent contenir un effort immense de l’intelligence des hommes, réunis dans un