Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 1.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[arc]
— 247 —

d’Albane, ma sœur, qui m’a laissé toutes ces possessions dans son testament ; pour les âmes de nos frères et de nos sœurs, de nos neveux et de tous nos parents des deux sexes ; pour les hommes fidèles qui sont attachés à notre service ; pour l’entretien et l’intégrité de la religion catholique. Enfin, et comme nous sommes unis à tous les chrétiens par les liens de la même foi et de la même charité, que cette donation soit encore faite pour tous les orthodoxes des temps passés, présents et futurs. Mais je donne sous la condition qu’un monastère régulier sera construit à Cluny, en l’honneur des apôtres Pierre et Paul, et que là se réuniront les moines, vivant selon la règles de Saint-Benoît, possédant, détenant et gouvernant à perpétuité les choses données : de telle sorte que cette maison devienne la vénérable demeure de la prière, qu’elle soit pleine sans cesse de vœux fidèles et de supplications pieuses, et qu’on y désire et qu’on y recherche à jamais, avec un vif désir et une ardeur intime, les merveilles d’un entretien avec le ciel. Que des sollicitations et des prières continuelles y soient adressées sans relâche au Seigneur, tant pour moi que pour toutes les personnes que j’ai nommées. Nous ordonnons que notre donation serve surtout à fournir un refuge à ceux qui, sortis pauvres du siècle, n’y apporteront qu’une volonté juste ; et nous voulons que notre superflu devienne ainsi leur abondance. Que les moines, et toutes les choses ci-dessus nommées, soient sous la puissance et domination de l’abbé Bernon, qui les gouvernera régulièrement, tant qu’il vivra, selon sa science et sa puissance. Mais, après sa mort, que les moines aient le droit et la faculté d’élire librement pour abbé et pour maître un homme de leur ordre, suivant le bon plaisir de Dieu et la règle de Saint-Benoît, sans que notre pouvoir, ou tout autre, puisse contredire ou empêcher cette élection religieuse[1]. Que les moines payent pendant cinq ans à Rome la redevance de dix sous d’or pour le luminaire de l’église des apôtres, et que, se mettant ainsi sous la protection desdits apôtres, et ayant pour défenseur le pontife de Rome[2], ils bâtissent eux-mêmes un monastère à Cluny, dans la mesure de leur pouvoir et de leur savoir, dans la plénitude de leur cœur. Nous voulons encore que, dans notre temps, et dans le temps de nos successeurs, Cluny soit, autant que le permettront du moins l’opportunité du temps et la situation du lieu, ouvert chaque jour, par les œuvres et les intentions de la miséricorde, aux pauvres, aux nécessiteux, aux étrangers et aux pèlerins.

Il nous a plu d’insérer dans ce testament que, dès ce jour, les moines réunis à Cluny, en congrégation, seront pleinement affranchis de notre puissance et de celle de nos parents, et ne seront soumis ni aux faisceaux

  1. «…Ita ut nec nostra, nec alicujus potestatis contradictione, contra religiosam dumtaxat electionem impediantur… »
  2. «…Habeantque tuitionem ipsorum apostolorum atque romanum pontificem. defensorem… »