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et prit l’habit de religieux ; distinguant en lui un esprit élevé, l’abbé du monastère l’envoya à Paris après son noviciat, avec quelques-uns de ses compagnons, pour y étudier la théologie scolastique. C’est le premier exemple de religieux profès quittant leur cloître pour puiser au dehors un enseignement qu’alors, dans la capitale du domaine royal, remuait profondément toutes les intelligences. Othon s’assit bientôt dans la chaire abbatiale de Morimond, nommé par acclamation. Il éleva l’enseignement, dans cette maison, à un degré supérieur ; depuis lors nombre de religieux appartenant aux ordres de Cluny et de Cîteaux allèrent chercher la science dans le cloître de Notre-Dame, et dans les écoles fondées par Abeilard, afin de maintenir l’enseignement de leurs maisons au niveau des connaissances du temps. Mais la lumière commençait à poindre hors du cloître, et son foyer n’était plus à Cluny ou à Cîteaux. À la fin du XIIe siècle et pendant le XIIIe siècle, ces établissements religieux ne s’en tinrent pas là, et fondèrent des écoles à Paris même, sortes de succursales qui prirent les noms des maisons mères, où se réunirent des religieux qui vivaient ainsi suivant la règle, et enseignaient la jeunesse arrivant de tous les points de l’Europe pour s’instruire dans ce domaine des sciences. Les ordres religieux conservaient donc ainsi leur action sur l’enseignement de leur temps, bien qu’ils n’en fussent plus le centre.

Du IXe au XIe siècle les ordres religieux préoccupés de grandes réformes, se plaçant à la tête de l’organisation sociale, avaient eu trop à faire pour songer à fonder de vastes et magnifiques monastères. Leurs richesses, d’ailleurs, ne commencèrent à prendre un grand développement qu’à cette époque, par suite des nombreuses donations qui leur étaient faites, soit par les souverains voulant augmenter leur salutaire influence, soit par les seigneurs séculiers au moment des croisades. C’est aussi à cette époque que l’architecture monastique prend un caractère particulier ; rien cependant n’est encore définitivement arrêté ; il fallait une longue expérience pour reconnaître quelles étaient les dispositions qui convenaient le mieux. Cluny avait son programme, Cîteaux avait le sien, tout cela différait peu de la donnée primitive adoptée déjà du temps où l’abbaye de Saint-Gall fut tracée. Mais c’est vers la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe, que les établissements monastiques, devenus riches, n’ayant plus à lutter contre la barbarie du siècle, moins préoccupés de grands intérêts moraux, peuvent songer à construire des demeures commodes, élégantes même, bien disposées, en rapport avec les habitudes séculières de ce temps. Les données principales sont conservées : le cloître placé sur un des côtés de la nef, le plus souvent au sud, donne entrée dans la salle du chapitre, le trésor, la sacristie, et au-dessus le dortoir, bâti dans le prolongement du transsept, par les motifs déduits plus haut. Le long de la galerie du cloître opposée et parallèle à celle qui longe la nef, est élevé le réfectoire, aéré, vaste, n’ayant presque toujours qu’un rez-de-chaussée. En retour et venant rejoindre le porche de l’église, sont placés à rez-de-chaussée les celliers, au-dessus les magasins de grains, de provisions. La cuisine est tou-